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La corrida du foie gras – Extrait du roman de David Broman

Roquefort-de-Marsan, 3 septembre (25 km sur 758)

Deux scandales. Deux prétextes, parmi bien d’autres,  pour torturer des animaux. Donc nous-mêmes. Cette  région que je traverse va jusqu’à afficher des ‘corridas  du Camino de Santiago’. Je me prends à repenser à la  passion des hommes pour la souffrance des animaux.  L’homme est lâche. Oserait-il seulement un jour se frotter  à plus fort que lui ? Il a suffi que les hommes se définissent  ‘différents’ pour qu’ils se sentent en droit d’appeler  ‘culture régionale’ la maltraitance d’autres êtres vivants.  Dans la longue liste de mes ‘reconnaissances’ je devrais  commencer par les animaux. Car eux nous accueillent  sans condition… sans nous torturer. Réflexions aussi  sur la notion de ‘compétition’. Si je faisais une course  contre quelqu’un qui n’est pas au courant d’être dans la course… on me reprocherait de ne pas être ‘fair-play’.  La nature, autre qu’humaine, ne connaît pas la compétition. Le taureau n’a pas conscience d’une quelconque  ‘compétition’ qui est dans la tête des hommes et dans  laquelle les hommes le placent de force pour pouvoir plus  aisément l’achever. On prend soin de ne pas le mettre au  courant des règles du jeu que nous inventons pour lui. Il y a ‘lâcheté’ dans ‘l’achever’. Et le gavage… Je suis  passé aujourd’hui devant un vaste élevage d’oies à gaver.  Pas une goutte d’eau dans leurs enclos. Pourtant les oies  n’aiment-elles pas l’eau ? Dans les enclos, elles ont une  vie de moins que rien. Elles sont visiblement gravement  déprimées. Loin des oies sauvages qui traversent le ciel deux fois par an au-dessus d’elles. En les gavant, nous  sommes gratuitement méchants à leur égard puisque ce  n’est que pour notre plaisir. Qui a besoin de foie gras ? Le  foie gras est un jeu humain. On en fait même trop. Pour ‘exporter’. Comme on fait trop de maïs, de vin… dans  des monocultures où on maltraite le sol, l’air et la vie.

Et la dépression des oies qui est contenue dans le foie gras? Nous l’avalons aussi. Nous sommes, dans ce contexte, pervers. Nous sommes la honte de l’univers. Cela nous fait du mal. Cela fait mal à l’humanité. S’il est ‘clair’ – mais cela reste encore à prouver – que l’homme doit se nourrir en  ‘exploitant’ d’autres êtres vivants, cela ne veut pas dire qu’il a le droit de jouer avec la souffrance qu’il leur inflige. L’homme ‘justifie’ la torture et tous les autres abus à l’égard des animaux par cette ‘nécessité’.

Extrait du roman de David Broman, journaliste de l’hebdomadaire Le Jeudi:
Broman, David, 2015. Aujourd’hui je suis vivant. Célébrations sur le chemin de Compostelle. Éditions Phi, Differdange. 171 p. ISBN 978-99959-37-07-2 (cf. la page Internet chez les Éditions Phi)

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